Maurice Ravel

MAURICE RAVEL, CIBOURE ET SAINT-JEAN-DE-LUZ

Maurice Ravel jeune – Pointe Saint barbe

Maurice Ravel (1875-1937) était basque par sa mère, Marie Delouart, d’origine très modeste (elle était fille naturelle), descendante de marins et de corsaires. Il est né le 7 mars 1875 dans une maison du quai de Ciboure (aujourd’hui quai Ravel) dont sa tante était concierge, belle demeure de style hollandais qui avait hébergé Mazarin en 1660 pour le mariage de Louis XIV. Il n’y vécut que trois mois, et passa son enfance à Paris où son père Joseph Ravel, d’origine savoyarde, était ingénieur. Nous ne savons rien de la scolarité du petit Maurice, excepté sur le plan musical ; il avait un oncle peintre et de nombreux cousins musiciens, et se révéla lui-même très doué. Il apprit la langue basque à Paris par sa mère, par l’une de ses tantes qui vivait avec eux, et par les amis Gaudin, une famille de mareyeurs luziens.

Au conservatoire de Paris, il fut l’élève de Gabriel Fauré, et fut reconnu assez rapidement comme un compositeur original et inspiré.

À partir de 1902, il séjourna souvent dans son pays natal, d’abord dans la famille Gaudin rue Gambetta, puis dans des locations estivales : sur le quai de Ciboure (pensions Anchochry dont il subsiste l’enseigne), place Louis XIV, et rue Sopite. Il aimait passionnément le Pays basque qu’il visita en compagnie d’amis comme Léon Blum, faisant des randonnées en montagne ou parcours en automobile dans les provinces basques. Il assistait à des parties de pelote, à des corridas à Donostia, se baignait beaucoup sur la grande plage, appréciait les fêtes, la musique et les danses  populaires. En 1911, il avait le projet de composer une rhapsodie « Zazpiak bat », titre qui manifeste son intérêt pour le nationalisme euskarien (les Sept provinces en une). Ses plus longs séjours furent en 1913 et surtout 1914 où il s’installa six mois à Saint-jean-de-Luz ; il composa alors le Trio pour violon, violoncelle et piano dont le premier thème est basque. Dans sa correspondance, Ravel parle de « ses frères de race », et comme beaucoup de Français à cette époque il distingue sa grande patrie (la France) et sa petite patrie (Euskadi), revendiquant une double appartenance nationale (comme les Bretons).

En août 14, il va à Bayonne pour s’engager contre l’Allemagne, mais il est refusé comme soldat en raison de sa petite taille et de son poids insuffisant. Il soigne des blessés de la bataille de la Marne accueillis au casino de Saint-Jean-de-Luz, puis repart à Paris. Grâce à la famille Clémenceau, il a pu ensuite partir sur le front comme conducteur de camion. Il écrit le « Tombeau de Couperin » pour piano qu’il dédie à des amis morts à la guerre comme les frères Gaudin ou le peintre luzien Gabriel Deluc. Malade et désespéré par la mort de sa mère qu’il « adorait », il a été réformé en 1917.

Après la guerre il s’est installé près de Paris dans une petite maison de Montfort-l’Amaury, mais à partir de 1921 il a passé ses vacances le plus souvent possible à Saint-Jean-de-Luz, où il retrouvait ses grands amis  Marie et Edmond Gaudin et de nombreux artistes comme les pianistes Ricardo Viñes, Marguerite Long, le violoniste Jacques Thibaud, des compositeurs comme Auric, Stravinsky et Prokofiev, le peintre Ramiro Arrué. En août 1928, il a commencé à Saint-Jean-de-Luz, dans l’appartement qu’il louait  rue Neuve (aujourd’hui rue Tourasse) la composition du fameux Boléro qui à l’origine s’appelait Fandago. En août 1930, la Côte basque lui a rendu hommage par des concerts prestigieux, et une célèbre partie de pelote à main nue sur le fronton de Ciboure. Saint-Sébastien et Bilbao ont également organisé des festivals pour le fêter.

Malheureusement à partir de 1932, il développe une maladie mystérieuse (sans doute une forme d’alzheimer) dont les premiers symptômes seraient apparus au Pays basque selon le témoignage de ses amis : il ne trouvait plus ses mots lors d’une corrida à Saint-Sébastien, il ne pouvait plus revenir lors d’un bain de mer, ignorant où il se trouvait. Il a sombré peu à peu dans l’amnésie et le désespoir. Son dernier séjour à Saint-Jean-de-Luz eut lieu en 1935 au retour d’un voyage au Maroc destiné à le distraire, et il est mort à Paris le 28 décembre 1937, à la suite d’une opération chirurgicale, une trépanation destinée à découvrir s’il avait une tumeur au cerveau. C’est le ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts Jean Zay qui a prononcé le discours de ses obsèques au cimetière de Levallois-Perret.

Ses œuvres sont souvent marquées par l’influence basque : importance de la danse et en particulier du rythme de zorztiko à 5 temps, innombrables thèmes et mélodies issues de chants euskariens. Son Concerto pour piano et orchestre en sol majeur (1932) est une reprise de la rhapsodie Zazpiak-bat et a été surnommé le « Concerto basque ». De façon paradoxale, il n’a jamais composé sur un texte basque (peut-être par pudeur).

Ravel est reconnu comme l’un des plus grands compositeurs de l’histoire de la musique, et comme le plus important des musiciens basques.

Étienne Rousseau-Plotto, professeur d’histoire-géographie du lycée Ravel de Saint-Jean-de-Luz

Bibliographie :

Étienne Rousseau-Plotto : Ravel, portraits basques, Paris, Atlantica-Séguier, 2016, 340 pages (édition corrigée et augmentée de celle de 2004)

Maurice Ravel, L’intégrale, Correspondance, écrits et entretiens, édition établie par Manuel Cornejo, Le Passeur éditeur, Paris, 2018.

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